CETTE EUROPE DONT ON NE VEUT PAS, par François Leclerc

Billet invité.

Il faut lire la dernière déclaration à la presse de la Commission qui met l’accent sur les « avancées » réalisées en faveur des réfugiés. Un seul mot vient sous la plume : quelle impudence ! Sans la moindre gêne, la répartition homéopathique des demandeurs d’asile en Europe y est décrite comme étant « en progrès », et le pacte avec la Turquie présenté comme « efficace » sans autre interrogation sur son avenir. Et tout est à l’avenant.

30.000 réfugiés syriens et érythréens bloqués en Grèce sont déclarés éligibles au droit d’asile, sur les 55.000 qui s’y trouvent actuellement. Se cramponnant à l’idée que le programme de relocalisation « est condamné au succès », le commissaire aux migrations Dimitris Avramopoulos fixe comme objectif leur relocalisation d’ici la fin 2017, prenant pour acquis que la fermeture par la Turquie de sa frontière maritime tiendra. Ce qui signifie que tous les autres, dont les Afghans, n’ont selon lui pas d’autre perspective que d’être renvoyés dans leur pays, une perspective totalement irréaliste. N’est-ce d’ailleurs pas le cas de la relocalisation promise ?

Détenir 14.000 réfugiés dans les îles grecques où ils sont déjà parvenus, le double des places d’accueil disponibles, a été une des élégantes solutions trouvées pour diminuer la pression sur l’accès à la Route des Balkans. Mais la tension monte dans les îles, des incendies éclatent dans les camps, les manifestations de réfugiés réclamant l’ouverture des frontières s’enchaînent, des militants d’extrême-droite grecs tentent d’opposer les îliens grecs aux réfugiés. Le gouvernement grec s’est engagé à procéder rapidement à des transferts vers le continent, mais la mesure tarde, mal considérée par les dirigeants européens.

Plus de 130.000 réfugiés sont depuis le début de l’année arrivés en Italie, mais il n’est pas question de relocalisation pour eux, vu leurs pays africains d’origine. Le réseau d’accueil mis en place est saturé, car ils ne parviennent plus à poursuivre vers le nord leur exode, les frontières de mieux en mieux contrôlées. Angelino Alfano, le ministre de l’Intérieur, devrait présenter la semaine prochaine un nouveau plan de répartition de ces centres disséminés dans tout le pays, avec comme objectif d’arriver de manière autoritaire à une moyenne de 2,5 réfugiés pour 1.000 habitants.

Un autre problème restera en suspens. L’État s’est engagé à verser de 25 à 30 euros par jour et par réfugié aux structures d’accueil mises en place – afin de couvrir les frais d’hébergement, d’habillement, ainsi que de soutien juridique et psychologique – mais les crédits sont épuisés. Matteo Renzi l’utilise dans ses négociations avec Bruxelles pour demander plus de flexibilité budgétaire, rendant les réfugiés otages de leur avancement.

La Commission doit le 12 novembre prochain probablement décider du renouvellement de la période de six mois autorisant l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Norvège et la Suède à instaurer des contrôles à leurs frontières au sein de l’espace Schengen. À propos de la frontière française avec l’Italie, elle continue de fermer les yeux. Initialement, le retour à la libre circulation avait été fixé à la fin décembre prochain, mais cette échéance ne pourra pas être tenue. Le provisoire s’installe, faute d’autre solution. Même en tenant les réfugiés le plus possible à distance, enfermés dans nos murs, la normalisation n’est pas pour demain.

Dimanche prochain, les Hongrois vont répondre à la question orientée suivante : « voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non-hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ? » Orchestré par Viktor Orban, le premier ministre, ce referendum a toutes les apparences d’un plébiscite et représente un défi de plus à la Commission.

Les référendums sont un des leviers du démantèlement de l’Europe, et la xénophobie son moteur. La Commission s’avère incapable de faire front et donne le pire des signaux. Pour y parvenir, elle devrait d’un même mouvement abandonner sa politique d’austérité néo-libérale, qui est à la source de la montée de la xénophobie. L’une est la conséquence de l’autre. C’est dire l’étendue de la responsabilité de ceux qui s’agrippent aveuglement « aux réformes structurelles ».